Forêt de nerfs

Voici enfin venue l’heure de quitter le gouffre, mon ancien lieu de travail, pour me précipiter dans un autre, le métropolitain. Fatigué et irritable, je refuse de me laisser faire quand une grosse dondon me bouscule dans les couloirs. Quand elle se retourne, son visage me laisse un étrange arrière-goût de déjà vu, un air de famille avec un ancien collègue informaticien du gouffre… S’il a 38ans, elle doit avoir la vingtaine, ça colle. D’ailleurs derrière elle sur le mur, le nom du dit collègue est écrit sur une pancarte publicitaire comme une antisèche bienvenue qui ne fait que renforcer mes soupçons ! Je lui demande si elle ne serait pas sa fille. Elle confirme. J’aimerais lui dire qu’elle ressemble tellement à son père mais ce serait plus une offense à cause de la référence à la carrure bovine ou porcine qui saute aux yeux. Mieux vaut la boucler et passer mon chemin car justement, mon ex comédien surgit dans l’autre direction. Surprise ! Comment ça va ? Il m’amène à une répétition de sa pièce. Prenant à part son coloc et co-metteur en scène, il présente des critiques et des propositions sur la manière de réinsuffler de l’énergie à certains moments mous de l’intrigue. Le local est aussi un service médico-social où je me fais recruter. Il fait un peu service téléphonique psychiatrique et on me propose direct une permanence le 23 décembre de 3 à 7h du matin. Une psychiatre découvre avec horreur qu’elle vient de perdre ses clés. Ça signifie qu’elle va aussi perdre l’usage de son appartement ! Que faire ? N’arrivant pas à suivre la discussion avec ses collègues, je me fais tout expliquer par mon bien-aimé : elle a négocié une enveloppe de chèque avec sa hiérarchie, ce qui lui laissera du temps pour se trouver un nouveau chez elle. Au même moment son appart perdu est instantanément mis sur le marché. Ses collègues se précipitent tous sur le service téléphonique de location pour le reprendre, il était tellement superbe ! Mon chéri appelle aussi. C’est un peu l’arnaque d’après lui : ils font poireauter beaucoup les gens avec un morceau de violon interminable et dépressogène. Tiens, j’ai un rêve à noter sur mon cahier. Chéri remarque qu’il a fait le même rêve, des arbres au Canada et une forêt de nerfs à l’intérieur des murs.