L'oeuvre de ma vie
Retour au bahut avec l'épreuve de maths du bac qui se révèle être un examen tout en un en 4h, avec des questions portant autant sur les équations complexes que la géopolitique canadienne. C'est d'autant moins facile qu'au fond de la classe, on installe une nouvelle collègue de travail en lui donnant les consignes de code pour son casier. Non mais on peut être bosser tranquille? Contre toute attente je survole le sujet et me rédige un brouillon complet en 1h que je vais pouvoir mettre au propre sur les 3h restantes. Une surprise ne venant jamais seule, on nous propose à la fin de continuer de travailler chez nous et rapporter nos copies le lendemain. Super! Mon esprit est en ébullition, j'envoie paitre frères et mère dans mes recherches sur la spiritualité hindoue et tibétaine. Je suis tellement inspiré que je ponds une oeuvre en 4 tomes sous forme d'épopée d'un chevalier nippon illustrée par de magnifiques aquarelles. Mon oeuvre est découpée en chapitres qui s'abordent chacun avec 4 niveaux de lecture différents selon le degré d'illumination du lecteur, car elle offre autant de quoi rigoler avec fraîcheur que de quoi se nourrir existentiellement. Je suis tellement fier de moi que je me dis que désormais, je n'ai plus besoin d'accomplir grand chose de ma vie. Si : montrer à tous mes amis le chef d'oeuvre que j'ai porté au monde! Je tente d'envoyer des copies d'écran de quelques pages devenues manga grivois mais ce n'est pas satisfaisant. Le roman continue de se transformer et intégrer un épilogue désopilant et dégoulinant littéralement de chocolat. Je tiens mon but ultime : donner RDV dans un parc à ma meilleure amie perdue de vue pour lui montrer mes fabuleuses chroniques. Il faut qu'on se voit. Hélas, elle décline mon invitation parce qu'elle ne te sens pas d'attaque, encore trop tourmentée par le deuil paternel. J'en suis attristé. L'image de la caméra de surveillance de l'entrée du parc me voit m'éloigner lentement hors champ, au moment où elle arrive finalement ! Vêtue d'une veste en jean bleu clair, de bas violets, et d'un masque de protection noire, elle prend garde à bien vérifier que je sois bien à distance, parce que depuis toujours, elle n'était jamais très loin de mes pas.