En duplex de l'enfer

J'assiste avec mon bien-aimé à la dernière pièce de Pierre Arditti malheureusement déconcentré par les bruits de la rue que l'on devine derrière une baie vitrée couverte d'un épais rideau. C'est la révolution dehors. J'abandonne Pierre et chéri pour la rejoindre, de toutes façons la pièce ne m'emballait pas plus que ça. Des manifestants et leurs pancartes crient une colère dont j'ignore les motifs. Même si je suis emporté par le flôt humain, je nage à contre-courant de pensée en échouant dans ces comptoirs capitalistes que sont les boutiques de décoration d'intérieur, et m'adonne au lèche-vitrine de sets de table. Je me retrouve dans un lieu étrange, une maison avec une partie qui tient d'un mélange entre petit hangar et abattoir. Une jeune femme que je n'aime pas et dont je me méfie découpe des morceaux sur une carcasse de boeuf dépecé qui tient debout. Ses pulsions violentes sont communicatives, si bien que je m'empresse de saisir un couteau en céramique pour l'aider à la besogne, pris entre les feux de la haine et du plaisir. Des bruits curieux et inquiétants se font entendre dans un placard au bout de la pièce. On dirait des pleurs de bébé mêlés à des sons gutturaux à glacer le sang. Ils proviennent droit de l'enfer. Tout ce qu'on peut faire c'est ajouter des matières isolantes, coton, laine de verre, et condamner le meuble... il n'est même pas certain que l'on puisse totalement étouffer les chouinements. Malédiction! Un petit jouet sort par un interstice du mur au ras du sol! C'est une tête de mort en plastique rouge brillant taille playmobile et rampante! C'est d'elle que proviennent les sons horribles! Il faut absolument la détruire! Mon équipière et moi nous mettons à la poursuivre avec des marteaux! Par précaution je mets un gant en laine pour ne pas me brûler! Il faut éradiquer toute tentative d'incursion sur Terre d'entité infernale!