L’insoutenable vertige de l’avenir

Tout recommence dans cet endroit que j’ai nommé le Gouffre et dont je me suis banni. Je retrouve donc mon ancien lieu de travail avec toutes les angoisses et les crispations là où je les avais laissées. Il est attendu de moi que je fasse un discours pour introduire mon retour, c’est pourquoi je consulte des albums photos pour m’inspirer. Ceci me fait penser que je devrais donner du découpage à ma mère en guise d’occupation.

Vision de pubs rigolotes où une jeune femme montre un bocal sphérique où marine un steak. C’est drôle et répugnant à la fois car à chaque nouveau visionnage, le steak marine au milieu d’ingrédients toujours plus dégoûtants : crapauds vivants, vers de terre pour finir. La cuisinière garde pourtant tout son aplomb, considérant sa mixture avec le visage qui crie « miam-miam ». Dégueulasse ! Ah, ce n’est plus sur le steak que gigotent les vers mais sur un pied humain, mon pied droit ! Je me souviens à cet instant qu’il faut s’en méfier car certains aiment creuser à l’intérieur de la chair, mais trop tard ! L’un deux s’est déjà enfoncé en creusant une galerie dans mon pied. Douleur indicible. Curieusement je me dis que si je n’y prêtais plus attention, je pourrais oublier ma blessure… mais me maintenir dans l’illusion ne semble pas être la solution la meilleure.

Micro dispute avec l’ami fan de Disney. Présence d’Amélie Nothomb et son univers glauque.

Tandis que je me mouche fort, 3 dents ensanglantées tombent. Une molaire, une canine, une minuscule incisive de lait. Oh non, j’ai pas envie de couronnes ! Je me vois dans le miroir, avec cette nouvelle configuration dentaire qui fait de mon sourire une bouche d’aération. Il y a une longue très longue canine qui part en biais vers le côté. Elle me donne un air animal. Combien de temps vais-je rester comme ça ?

J’avance sur le quai d’une gare. Je sais qu’un couple de noirs (dont l’homme ressemble à Dixon de Alias) m’attend pour une histoire d’adoption. Est-ce de moi dont il s’agit ? Il est question d’une école spéciale.

Un film de science fiction avec un équipage qui va décoller dans un vaisseau. Un homme que je trouve au passage canon accourt pour les avertir d’un danger qui les guette s’ils partent. Il en a eu la prémonition. Personne ne le croit, évidemment, mais on le laisse embarquer. Atterrissant sur une planète à l’atmosphère respirable, on découvre avec horreur le cadavre du devin, mystérieusement déchiqueté, le tronc tranché sous le diaphragme. Il avait donc raison ! Quelle tristesse, je me disais qu’avec sa gueule de jeune premier il allait peut-être devenir le héros de l’histoire mais non, même pas !

Je sors des locaux d’une prestigieuse université italienne d’art avec l’ami de Boston. Ça fait plaisir de le voir et je suis ravi de constater que mon anglais a de beaux restes. Allons maintenant nous installer à la terrasse d’un bar. Glissement de décor, les rues deviennent un parc qui devient un terrain de camping avec des tentes alignées. Dans l’une d’elle je retrouve l’ami hispanophile accompagné de l’ami bloggeur photographe, tous deux manifestement très amusés par un étrange objet lumineux allongé, qui dégage une lumière blanche et bleue. Il va la prendre en photo c’est obligé ! Je regarde un agenda datant de 2020 qui me plonge dans une vertigineuse perspective du futur. En 2020 j’aurai 50ans. J’ignore à quel point la technologie et les réseaux électroniques vont changer les modes de vie des gens, mais je sens d’ici que je ne ferai pas partie de tout ça, je ne parviendrai pas à me faire au progrès. Les gens aussi vont changer, les rapports entre les gens vont être d’abord être conditionnés par leur existence dans Internet, et je serai en dehors de tout ça, et même si je n’ai aucune envie que ça se passe comme ça (aussi bien pour moi qu’entre les gens), il n’y a pas d’autre issue. En 2020 sortira aussi un remake du Bal des Vampires de Polanski. Il promet d’être terrifiant. Avec mes compagnons de camping on va servir le champagne. Les verres remplis se déplacent tout seuls en faisant le tour du bord d’une table en bois, en glissant sur des feuilles d’arbres.