The dark egg
Tandis que je refais mes lacets dans le jardin de la maison familiale, j’aperçois dans le jardin voisin la mère de la petite que maman baby-sitte. Elle s’occupe des animaux de sa mini ferme, trait la vache, nourrit les volailles. Justement un énorme coq grand comme un dindon échappe à sa surveillance et vient s’aventurer sur notre propriété. Le voilà émoustillé par notre poule en cage. Tout conquérant qu’il est, il s’y introduit par le couvercle resté négligemment ouvert. Contre toute attente, c’est madame qui monte monsieur. Les gallinacés batifolent jusqu’à se porter au point d’ébullition, moment crucial où la poule pond une masse noire ovoïde et visqueuse. Mazette, elle s’est surpassée ! C’est un immense œuf noir ou vert très sombre. Une autruche n’aurait pas fait mieux. Un œuf ? Vous êtes sûr ? Il semble plutôt que nous avons affaire à une créature vivipare. La masse remue. On distingue sur sa surface comme des écailles fines qui se décollent légèrement avec les courants d’air, minces comme les pétales d’une fleur ténébreuse, ou les dernières feuilles d’un artichaut entourant son cœur. Est-ce végétal ou vraiment animal ? Soudain une aile ou peut-être une main, toute fine, se déploie de l’œuf, et découvre sur le flanc de la bête un unique œil noir inquiétant. C’est surtout maman qui prend peur, mais son angoisse est contagieuse et me gagne doucement.